Caisses de prévoyance : comment bien réagir dans la tourmente financière ?

Caisses de prévoyance : comment bien réagir dans la tourmente financière ?

Monsieur Jean-Marc Wanner, expert diplômé en assurances de pension et Associé d’Aon Suisse SA, a été l’expert en prévoyance professionnelle de la FCT et de la FCT 1e jusqu’à la dernière séance de leurs Conseils de Fondation en septembre dernier. Grâce à sa parfaite compréhension de l’ADN du groupe FCT, il a accompagné pendant de nombreuses années le développement des fondations du groupe FCT en leur faisant bénéficier de sa vaste expérience et de ses compétences hors du commun. Dans le cadre d’une réduction de son taux d’activité en vue de sa retraite, Monsieur Wanner a transmis le flambeau à Monsieur Jean Netzer, qui le secondait jusqu’à aujourd’hui pour l’expertise des fondations. Nous tenons à remercier très sincèrement Monsieur Wanner de ses précieux conseils et de son engagement continu en faveur des fondations et de leurs assurés et souhaitons la plus cordiale bienvenue à Monsieur Netzer.

En cette période de forte agitation des marchés financiers mondiaux, Monsieur Wanner a bien voulu nous accorder un entretien pour nous parler de sa collaboration avec le groupe FCT et nous faire part de ses conseils pour faire face de la manière la plus sereine possible aux conséquences de la baisse significative des marchés depuis le début de l’année.

 

Monsieur Wanner, en qualité d’expert en prévoyance professionnelle du groupe FCT pendant de nombreuses années, qu’avez-vous particulièrement apprécié dans votre collaboration avec la FCT et la FCT 1e ?

Je pense que ce qui est le plus intéressant au sein du groupe FCT est le fait qu’il est conduit par une petite équipe soudée de personnes qui a suivi le développement des fondations depuis de très nombreuses années, qui est convaincue de ce qu’elle fait et qui cherche vraiment le bien des assurés. J’ai beaucoup apprécié cet engagement de chacun visant à un vrai professionnalisme, sans velléités de mettre en exergue la personnalité de ceux qui travaillent, mais plutôt en essayant toujours de trouver la meilleure solution, avec l’humilité intellectuelle et l’intelligence collective d’admettre de chercher des informations à l’extérieur ou de remettre en question certains points avec comme seul objectif de faire en sorte que le groupe FCT se développe sainement et qu’il soit le plus efficient et le plus professionnel possible.

 

Comment décririez-vous le groupe FCT du point de vue de sa gouvernance et de son organisation ?

L’un des grands avantages de vos fondations, c’est qu’elles ne reposent pas uniquement sur leur Conseil de fondation, même si bien entendu c’est le Conseil qui en est l’organe suprême, mais aussi sur un certain nombre de personnes ou d’organisations externes. Il y a naturellement un expert et un organe de révision, mais vous avez également délégué l’administration et l’administration de fortune à Trianon SA et mis en place une plateforme de contrôle et de suivi au travers de la société FCT Services SA. En outre, les Commissions de gestion paritaires peuvent compter sur l’appui de leurs Key Account Managers qui sont eux-mêmes encadrés de manière à pouvoir utiliser au mieux toute l’intelligence regroupée de vos différents prestataires. Tout ceci a comme conséquence d’avoir au niveau de la gouvernance une bonne répartition des compétences et des pouvoirs de décision et également de cumuler tous les savoirs internes avec les compétences professionnelles des prestataires externes que vous avez sélectionnés.

 

Tout au long de votre carrière, vous avez été le témoin de nombreux soubresauts des marchés financiers. La période que nous vivons en est un exemple typique : après les performances extrêmement positives des placements en 2021 et l’excellente santé des caisses de pension qui en a résulté (avec des taux techniques très bas et des taux de couverture très hauts), les marchés ont connu une dégringolade en 2022. Comment une caisse de prévoyance peut-elle réagir au mieux à ces turbulences périodiques ?

Je crois vraiment que la meilleure thérapie possible, c’est de rester serein. Quelle que soit l’ampleur des turbulences, il faut accepter le fait que les marchés financiers connaissent périodiquement des crises. C’est pour avoir la capacité d’y faire face que nos fondations de prévoyance constituent un certain nombre de réserves et de provisions. Pour une fondation bien gérée et avec une bonne répartition des risques, il s’agit de faire le dos rond et d’attendre. La pire des choses serait de prendre des décisions rapides et énergiques, par exemple en modifiant significativement sa stratégie de placement, car on est alors sûr de se tromper et surtout de se mettre dans une situation qui risque d’impacter toute la vie future de la fondation ou de la caisse de prévoyance. On l’a vu dans le passé, avec  l’exemple de certaines compagnies d’assurance qui ont tout vendu lors de la crise de 2008 et qui ont probablement enregistré d’importantes difficultés pour toutes les années qui ont suivi. Au contraire, de nombreuses caisses de pension en sous-couverture dont j’étais l’expert ont poursuivi leur chemin sans prendre de décisions extraordinaires mais simplement en restant patientes et vigilantes. Je comprends que ces situations préoccupent les Conseils de fondation et les Commissions de gestion, mais en tant qu’expert, cela ne m’inquiète pas. Il n’est d’ailleurs pas à exclure que les marchés financiers connaissent un rebond d’ici la fin de l’année et que la performance 2022 soit finalement moins mauvaise que redouté.

 

Dans ce contexte, on remarque aujourd’hui que beaucoup de caisses de pension ont des taux d’intérêt techniques qui sont moins élevés qu’ils ne pourraient l’être selon la méthode de calcul définie dans la directive DTA 4 de la Chambre suisse des experts en caisses de pensions. Qu’en pensez-vous ?

J’aurais tendance à dire qu’aujourd’hui un taux technique de 2% est sain et qu’on ne doit pas céder à la tentation de jouer avec ce taux tous les six mois. Ce taux est celui que j’ai recommandé pour la plupart des caisses de pension dont je suis l’expert alors que nos collègues suisses-alémaniques étaient généralement plus pessimistes. Aujourd’hui, on est plutôt dans une tendance où l’on pense à le réaugmenter dans le contexte du nouveau cycle inflationniste dans lequel nous nous trouvons. J’ai d’ailleurs toujours pensé qu’un jour ou l’autre, il faudrait le faire parce sur le très long terme, 2% c’est trop peu. Par ailleurs, pour moi, ce n’est pas l’inflation en elle-même qui est problématique mais plutôt le fait d’avoir simultanément une inflation et des taux d’intérêts très bas. Et par conséquent je pense que le retour de l’inflation n’est pas si dramatique pour nos caisses de pension tant que les taux d’intérêt augmentent de manière proportionnelle et que les salaires suivent cette tendance. Je préconise donc là aussi de ne pas agir avec précipitation.

 

A fin 2021, toutes les caisses de prévoyance de la FCT avaient un taux de couverture supérieur à 100%. Avec la baisse des marchés en 2022, on peut prévoir qu’un certain nombre d’entre elles se trouveront en situation de sous-couverture. Qu’en est-il alors des éventuelles mesures d’assainissement ?

Selon différentes sources, on peut estimer qu’environ 50% des caisses de pension pourraient être en sous-couverture. Je pense toutefois qu’il ne faut pas paniquer parce qu’être en sous-couverture fait partie de la vie d’une fondation ou d’une caisse de prévoyance. D’ailleurs cette situation est autorisée par la loi qui prévoit une période de 5 à 7 ans, voire 10 ans au maximum, pour un retour à la normale. La mesure d’assainissement la plus efficace pour la grande majorité des caisses en sous-couverture est de renoncer à rémunérer les comptes d’épargne des assurés. Je pense que cette mesure est préférable à l’instauration d’une cotisation d’assainissement car celle-ci n’apporte quasiment rien. En effet, il ne faut pas oublier que la plupart des assurés ont un compte d’épargne beaucoup plus élevé que leur salaire, avec pour conséquence qu’un intérêt de 1% sur leur épargne représente beaucoup plus qu’une cotisation supplémentaire de 1% sur leur salaire.

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Les thèmes ci-dessus figureront naturellement à l’ordre du jour de la prochaine séance annuelle des Commissions de gestion des Caisses de prévoyance affiliées.